Par Ahmed ABDELKRIM
Dans les nuits d’octobre, le Maroc s’est embrasé. Les rues de plusieurs villes ont résonné du bruit des sirènes, des cris et des détonations. Ce qui n’était au départ qu’une étincelle, des jeunes anonymes, GenZ 212, réclamant une école digne, une santé accessible et la fin des privilèges, est devenu une déflagration sociale. En face, un Makhzen qui ne connaît qu’une seule réponse : la répression.
Le bilan officiel parle de trois morts et de centaines de blessés. Mais la vérité dépasse les chiffres. Des familles errent d’un commissariat à l’autre à la recherche de leurs enfants disparus. Dans certains quartiers, des véhicules de gendarmerie ont foncé sur la foule, laissant derrière eux du sang sur le bitume. Les rafles nocturnes orchestrées par la police secrète de Hammouchi ont plongé des familles entières dans la peur. Le Maroc a basculé dans une zone d’ombre.
Face à ce déchaînement, António Guterres n’a pas mâché ses mots. Le Secrétaire général de l’ONU a demandé une enquête « indépendante, impartiale et rapide ». Une formule qui sonne comme un ultimatum. Car ce que craint l’ONU, c’est ce que tout le monde pressent : sans vérité, il y aura impunité. Et avec l’impunité viendront la radicalisation, la violence, l’isolement international.
Sur le terrain, la réalité est glaçante. Des tirs à balles réelles dans certaines localités. Des affrontements transformés en pillages. Des arrestations massives qui se prolongent en détentions arbitraires, dans des lieux que personne ne contrôle. Le ministère de l’Intérieur parle d’« éléments violents » et de « protection des biens publics ». Mais les vidéos diffusées sur les réseaux racontent l’inverse : une jeunesse écrasée, battue, humiliée.
C’est cela, le vrai visage du Makhzen. Une machine de pouvoir qui préfère la force au dialogue, l’opacité à la transparence. Une mécanique vieille de plusieurs décennies, qui continue d’étouffer une population plutôt que de répondre à ses attentes. Le prix payé est terrible : des vies fauchées, des libertés piétinées, un contrat social qui se délite.
Le plus troublant, c’est le silence. Alors que les réseaux sociaux bruissent d’images insoutenables, la presse internationale se contente souvent de recopier les communiqués officiels. Cette indifférence médiatique ajoute une couche de désespoir : ceux qui souffrent voient le monde détourner les yeux, et ceux qui répriment savent qu’ils peuvent continuer.
Derrière cette omerta, il y a aussi des intérêts puissants. Dans les coulisses, les alliés stratégiques du royaume, à commencer par les réseaux sionistes qui cherchent à protéger leurs positions économiques et diplomatiques au Maroc, préfèrent étouffer la vérité plutôt que de la laisser éclater. Ce silence n’est pas seulement le fruit de la lâcheté : il est organisé, voulu, orchestré pour préserver un système asservi, quitte à piétiner au passage la dignité d’un peuple. Il est important de noter que le Maroc n’est pas face à des casseurs anonymes.
Il est face à une génération qui refuse de se taire. Ces jeunes ne demandent pas la chute du royaume, mais des droits élémentaires : des hôpitaux qui soignent, des écoles qui éduquent, une justice qui ne soit pas réservée aux puissants.
Ils demandent la dignité. Le Makhzen est désormais à la croisée des chemins. Ouvrir la voie de la transparence, accepter une enquête crédible et dialoguer réellement avec son peuple. Ou persister dans la brutalité et courir le risque d’un embrasement durable.
António Guterres a mis le doigt sur la plaie. Ne pas écouter cet avertissement, c’est jouer avec un feu que le pouvoir pourrait ne plus contrôler.