Abed Charef
Alors que les regards étaient braqués, depuis deux semaines, sur le conflit du Sahara Occidental, où une évolution importante est annoncée pour ce 30 octobre, voilà que le Mali s’embrase, donnant l’impression d’être sur le point de s’effondrer. Deux événements concomitants qui rappellent à l’Algérie que la situation à ses frontières demeure extrêmement fragile, avec des bombes à retardement qui risquent d’éclater à tout moment.
Sur le Sahara Occidental, le Conseil de sécurité de l’ONU s’apprête à voter, jeudi 30 octobre, une résolution d’inspiration américaine. Washington veut imposer une vision selon laquelle le Sahara Occidental devrait passer sous souveraineté marocaine, y compris dans le cadre d’une éventuelle autonomie.
Appuyé par la France et la Grande-Bretagne, cette option est rejetée par le Polisario, qui a toutefois accepté que ce choix soit envisagée, mais uniquement s’il est jumelé à une autre alternative, qui serait l’indépendance, consacrée par un référendum basé sur le droit à l’autodétermination. C’est l’option onusienne historique.
Bamako encerclée
Au Mali, l’évolution est inquiétante. Le pouvoir de Assimi Goïta ne contrôle plus qu’un petit périmètre autour de Bamako. Les groupes jihadistes, dominés par le JNIM (Jamaat Ansar el-islam ouel mouslimine, groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans), a réussi à s’étendre pour organiser un embargo de fait contre Bamako. Contrôlant de vastes territoires, il interdit le ravitaillement de la capitale, provoquant une situation chaotique, notamment en privant Bamako de carburant. Le JNIM a atteint ces résultats en fédérant plusieurs organisations jihadistes, qui ont réussi à taire leurs différends pour s’allier contre le pouvoir central de Bamako.
La situation est si grave que les États-Unis ont pressé leurs ressortissants de quitter le pays, alors que les russes préconisent la prudence depuis plusieurs mois. Pourtant, la Russie dispose d’une force militaire au Mali, l’Africa Korps, héritière des anciens mercenaires du groupe Wagner.
Les images et les informations en provenance du Mali montrent une situation sur le point de basculer. L’activité économique, rudimentaire, est largement compromise par les coupures d’électricité et le manque de carburant. Des centaines, parfois des milliers de véhicules, attendent devant les stations d’essence un carburant qui n’arrive pas. Sur les routes menant à Bamako et aux principales villes du pays, des dizaines de camions-citernes transportant du carburant ont été capturés et détruits.
Retour à la situation de 2013 ?
Et au milieu de tout cela, l’équipe autour du président Assimi Goïta improvise. S’appuyant sur une aide russe de faible envergure et sur des pays de l’AES (Niger et Burkina-Faso) sans moyens significatifs, le pouvoir malien se trouve dans une situation intenable. Il ne semble pas en mesure de redresser la situation. Sa situation est d’autant plus intenable qu’il est en conflit ouvert avec l’Algérie, brouillé avec la France, et en guerre contre les groupes touaregs non jihadistes.
La menace est si forte que la situation constitue presque un remake de 2013, en plus grave. Il y a douze ans, des militaires putschistes s’étaient englués dans une situation telle que les jihadistes avaient déferlé sur le pays, menaçant de prendre le pouvoir. Les militaires avaient été contraints de faire appel à une intervention française pour freiner l’avancée des jihadistes.
Mais cette fois-ci, aucune force étrangère ne semble disposée à prendre le risque d’intervenir. Les russes, qui ont fait l’amère expérience syrienne, ne semblent pas disposés à se lancer dans une nouvelle aventure aux résultats incertains. Les français ont été expulsés du Mali comme des malpropres, et souhaitent la chute de la junte malienne. Les États-Unis regardent le Mali comme un territoire lointain, qu’ils ne connaissent pas réellement. De plus, l’administration Trump est hostile aux interventions étrangères, sauf pour soutenir Israël.
Résultat: le Mali risque de se transformer en un champ de bataille chaotique. Situation où, traditionnellement, prolifèrent des combattants sous faux drapeau. C’est un schéma rodé, et désormais bien connu: derrière les groupes jihadistes, les ONG qui vont affluer, les factions maliennes, pro ou anti-pouvoir, les soutiens étrangers, pullulent des acteurs de l’ombre traditionnels: financement du Qatar et des Émirats Arabes Unis, services secrets français, israéliens, marocains, turcs, russes, etc.
Deux résultats deviendraient alors inévitables. D’abord, une tragédie humanitaire, qui a d’ailleurs déjà commencé, avec des dizaines de milliers de déplacés; et aussi, une crise dont le poids devra être supporté en premier lieu par l’Algérie.
Ce qui amène fatalement à ce constat : l’Algérie voit se rallumer deux brasiers à ses frontières. Lequel constitue un danger réel, imminent, et lequel sert d’épouvantail?

